Une société de capital-risque destinée à soutenir les projets créateurs d’emplois en Corse, par des Corses et avec le soutien financier de Corses. L’idée a germé en 1990 dans l’esprit des pionniers du régionalisme, Edmond et Max Simeoni, François Alfonsi et Xavier Belgodère, d’endosser un maillot que les grandes enseignes bancaires nationales ne voulaient plus mouiller.
C’est ainsi que Femu Quì est devenue la plateforme de l’investissement dont la vocation était de participer au rééquilibrage entre les différents secteurs d’activité, agriculture, industrie, services, tourisme, etc., sur l’ensemble du territoire, rural et urbain, intérieur et littoral.
Parmi les fleurons industriels qui sont en tête de gondole dans la boutique de l’économie corse, grâce à Femu Quì, on peut citer la Brasserie Pietra, Corstyrène, Gloria Maris, l’Atelier corse Fruits et Légumes, Soleco, BioPhonia, récent lauréat de l’appel à projets innovants de « France 2030 ».
Engagé dans une cinquantaine d’entreprises
Deux générations sont passées depuis la création de Femu Quì. Ghjuvan-Carlu Simeoni, son directeur, mesure le chemin parcouru. La première évolution marquante s’est produite il y a dix ans avec la volonté d’augmenter de façon significative le volume des fonds gérés. C’est ainsi que Femu Quì Ventures a été créée. D’un encours initial de 5M€, elle a permis de produire et commercialiser de nouveaux fonds, via diverses formules, pour atteindre environ 50 M€ d’actifs sous gestion dont plus de la moitié proviennent d’épargnants, des personnes physiques, essentielles dans la matrice de la société.
« Nous avons considéré alors que de nombreuses entreprises corses avaient besoin de plus d’argent que ce dont on disposait. De surcroît, à l’époque, nous étions dans un environnement concurrentiel avec les FIP* incités à débarquer du Continent, pourvus de moyens supérieurs aux nôtres, par des réductions d’impôts attractives. Ce qui a changé, c’est le plafond du ticket d’investissement. Historiquement, on ne pouvait pas aller au-delà de 500 000 € mais là, tout récemment, nous avons réalisé un investissement sans précédent de 2,5 M€ pour Voltaïca, un producteur indépendant d’énergies renouvelables. »
Pour autant, Femu Quì n’a pas délaissé le terrain des tickets plus limités (moins de 200 000 €), des challengers à travers Alzà, le premier fonds d’amorçage régional, qui permet à des ingénieurs, des entrepreneurs du champ de l’innovation de lancer leur activité à partir de la Corse, d’y prendre racine pour se projeter vers l’extérieur, contribuant ainsi à faire grandir un écosystème local de savoir-faire technologiques. « Nous avons essayé d’élargir le spectre vers le haut en maintenant la connexion avec les créateurs. »
À ce jour, Femu Quì est engagé dans une cinquantaine d’entreprises, ce qui est déjà énorme pour un organisme à taille humaine non-spéculatif. Sur les secteurs les plus traditionnels, la crise économique génère des effets inflationnistes sur les achats, des difficultés de recrutement, des modifications de comportement des consommateurs, en particulier dans l’hôtellerie. « Toutes les entreprises sont sous pression, rien n’est simple pour elles. On ressent un sentiment perlé de pessimisme, parfois même une forme latente d’anxiété, mais les gens n’abandonnent pas pour autant leur désir de créer et d’entreprendre. »
Une charte éthique d’une frappante modernité
D’autres groupes d’investissement sont présents dans l’île. « La présence de fonds d’investissements, intervenus sur notre territoire ces dix-huit dernières années, correspond au cycle du FIP Corse, un dispositif légal rattaché à une réduction d’impôts assez avantageuse pour favoriser la levée d’argent auprès de particuliers. Ce cycle-là est globalement terminé, ce n’est plus dans l’air du temps. Au total, sur la période, ce sont plus de 300 M€ qui ont été levés et investis en Corse. Pour ce qui est de l’éthique, nous n’allons pas nous ériger en censeurs, nous n’avons aucune légitimité à le faire, d’autant moins que ce sont les entreprises qui choisissent leurs sources de financement. Femu Quì, pour sa part, a une charte approuvée par les fondateurs en 1991, quelque part pionniers en la matière, qui encadre notre ligne de conduite, une déontologie originelle à laquelle on ne déroge pas. »
Une charte qui, 35 ans après sa rédaction, dicte les grandes orientations pour rétablir la confiance entre la Corse et son économie. Il y est écrit que les interventions se référeront de façon permanente à des objectifs de dignité, de solidarité, de responsabilité et de justice sociale. Sa relecture aujourd’hui témoigne de sa modernité.
D’autre part, l’avantage, pour ne pas dire la vertu cardinale, de Femu Quì sur l’ensemble de ses concurrents, c’est la proximité. « La société est là depuis presque 35 ans et nous posons avec humilité les bases pour que ça dure au moins aussi longtemps. Son équipe est sur place. Les décisions sont prises en toute indépendance et en lien étroit avec la réalité. Il faut aussi assumer quand on dit non, mais engendrer des frustrations fait aussi partie du métier. Et quand on dit oui en s’engageant sur la durée, il faut vivre et s’adapter avec les hauts et les bas des entreprises » explique encore Ghjuvan-Carlu Simeoni.
Entre la CCI de Corse et Femu Quì, des interactions concomitantes personnelles et professionnelles existent depuis longtemps. « Mais au-delà des échanges, il y a quelque chose de nouveau à bâtir, une passerelle plus formelle au service des entreprises. »
Acceptons-en l’augure.
*Fonds d’investissement de proximité
Femu Quì en cinq chiffres-clés
- 4 600 investisseurs
- 42 M€ investis
- 110 entreprises accompagnées
- 1 000 emplois créés
- 1 700 emplois soutenus