Corse-Matin – Julie Quilici-Orlandi
En 2024, ils étaient près de 1,5 million de passagers à se croiser au sein de l’aéroport de Bastia-Poretta, l’une des principales portes d’entrée internationale de la Corse. Une histoire qui a débuté en 1947 avec le lancement de la desserte commerciale. Depuis, le ciel bastiais est devenu une vraie autoroute aérienne au pic de la saison estivale.
En ce début d’été, les différents services sont sur le pont. Ce samedi 5 juillet, plus de 13 027 passagers vont traîner leurs valises dans le hall de l’aérogare. Depuis 4h30, les équipes de l’exploitation et de la sûreté ont pris leur poste pour l’embarquement des voyageurs du premier vol du matin affiché à 6 heures. Pas moins de 106 mouvements sont attendus dans la journée.
La file d’attente de l’enregistrement est encore fluide. « Cela ne va pas durer. Bientôt, on retrouvera l’agitation des grands week-ends », glisse un agent. En effet, lorsque l’horloge affichera 10 heures, le hall va se transformer. Devant les comptoirs, sur les bancs, comme aux tables des bars, ces anonymes vont patienter ensemble avec pour musique d’ambiance les roulettes de valise qui semblent ne jamais s’arrêter de rouler. « On s’habitue au bruit », confient les agents rencontrés.
Des milliers de bagages filent vers les contrôles
D’autres voyageurs déjà enregistrés s’apprêtent à passer le « filtrage ». La frontière entre « la ville », la zone dite publique, et la piste. « Toutes les personnes qui veulent passer seront inspectées. Voyageurs, agents, personnels navigants, même la direction, il n’y a pas d’exception », insiste la superviseuse sûreté qui, pour permettre la fluidité, a quatre postes d’inspection filtrage ouvert et un effectif maximal mobilisé. « Il y a des procédures bien spécifiques à suivre. » Pour des raisons de sécurité, elles ne sont pas détaillées.
Pas plus que ne sont autorisées les captations d’images. Les incidents ? Ils sont rares selon elle. » Le plus souvent des oublis de passagers. » À l’autre bout de l’aérogare, derrière une porte réservée au personnel et là encore, soumis à un contrôle, les chariots de valises filent sur les rails. « Tout est automatisé »,explique Toussaint, chef de l’équipe exploitation du jour depuis 22 ans. Il invite à prendre un peu de hauteur pour observer la machinerie. « Chaque valise a des chutes attribuées au moment de son enregistrement. Il suit donc son trajet avant d’être contrôlé. Parfois même surcontrôlé. »
Plus de 10 000 bagages filent ainsi sur ce circuit avant de rejoindre le chariot pour les conduire dans la soute de l’avion, une fois l’enregistrement du vol terminé. « Cette partie, ce sont les assistants au sol qui la gèrent ». Toussaint, en communication avec les différents services, devra veiller à la sécurité des personnes et incendie dans la zone publique.
En plus des 280 collaborateurs de la chambre de commerce et d’industrie qui travaillent sur la plateforme aéroportuaire, au sein de 17 services couvrant les volets opérationnels et administratifs, de nombreuses entreprises permettent de faire fonctionner la plateforme à leurs côtés. Cela représenterait au total près de 500 personnels – lissés sur l’année.
De quoi donner l’impression de pénétrer dans une « petite ville » avec ses propres règles. « Il y a aussi les contrôleurs aériens, les services de sécurité et de police et tous ceux que l’on ne voit pas dans les bureaux, le marketing la communication et les finances, et qui font tourner un aéroport, reconnaît Jean-François Novella le directeur des aéroports de la Haute-Corse. On a tout d’une ville qui s’organise et qui est composée d’une diversité de métiers et de services coordonnés. »
À l’approche du gros-porteur Boeing 777, cette unité sera déterminante. Les yeux rivés sur les écrans et les plans de vol en temps réel, les agents du point info trafic suivent sa trajectoire. Dans la caserne des pompiers, le niveau de protection s’apprête à grimper à 9 durant 4 heures pour accueillir l’appareil, contre le niveau 7 d’ordinaire requis. Traduction : un renfort arrive.
Alors que les heures défilent et que sur le panneau d’affichage de nouveaux vols s’affichent, à l’étage, Thomas et Vanessa gèrent les parkings avion. Ils ajustent leurs prévisions de la veille. « Avec le retard d’un des vols cela risque d’être juste car le second programmé est en train d’arriver, on devra peut-être modifier sa place. » La tour de contrôle sera alors informée ainsi que la compagnie.
Sur les coups de 12 heures, tous les parkings affichent complet. Depuis l’enregistrement jusqu’aux bagages en passant par le sas de sécurité, rien n’est laissé au hasard pour faire de l’aéroport de Bastia-Poretta une porte d’entrée recommandée.
Une fois seulement le dernier vol arrivé, les rideaux des commerces et des loueurs de voitures vont se refermer. Pour quelques heures au moins, seuls les pompiers et veilleur resteront éveillés dans l’aéroport endormi jusqu’aux prochaines lueurs du jour.
Le péril animalier, une mission de 17 heures
Depuis la caserne, au pied de la piste, les pompiers suivent les mouvements de leur journée accrochés au mur. Ils sont certainement les seuls à passer 24 heures d’affilée au sein de l’aéroport. A le connaître de jour comme de nuit.
Leurs missions ? le service de sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs (SSLIA) et le risque animalier. C’est d’ailleurs ce dernier point qui occupe la majeure partie de l’activité opérationnelle. Dominique, le responsable SSLIA de Bastia et Calvi observe les allers-retours d’un véhicule sur la piste goudronnée. « En été, cette mission mobilise des agents continuellement durant 17 heures. Il faut effaroucher les oiseaux tout en les préservant ». Le risque c’est qu’un goéland ou un milan rentre dans un des réacteurs de l’appareil.
Effaroucher les animaux mais les protéger aussi car depuis 2017, l’aéroport à proximité immédiate de la Réserve naturelle de l’étang de Biguglia, collabore avec l’association Aérobiodiversité. « On y trouve 5 orchidées distinctes et nous avons même un couple de cigognes qui s’est installé, détaille José, chef de manœuvre aux pompiers de l’aéroport qui ne se sépare jamais de l’appareil photo glissé en bandoulière.
Il a capturé les plus beaux décollages comme les accidents les plus marquants. Il pense au crash d’un avion de tourisme aux abords de la piste. L’autre partie du travail, c’est la sécurité des passagers. Un des camions à cabine aéronautique et canon tourelle est d’ailleurs en train de quitter la caserne sur demande d’une compagnie qui doit procéder au plein de l’appareil alors que l’embarquement des passagers se poursuit.