La Lettre I « Le partenariat avec la CCI nous fait chaud au cœur »

Depuis sa création en 2009, l’Association Inseme se mobilise pour les familles obligées de se rendre sur le Continent pour raison médicale. La présidente Laetitia Cucchi-Genovesi nous embarque avec elle dans cette utile et généreuse aventure humaine

L’entretien

L’Agence régionale de Santé recense chaque année 28 000 déplacements entre la Corse et le Continent pour des raisons médicales. Quelle est la part qui fait appel à l’association ?

Nous aidons environ 1 500 familles par an, ce qui est déjà beaucoup à notre échelle. Mais trop de gens encore méconnaissent notre association et les actions concrètes qu’elle peut mener à leurs côtés pour les soulager.

Quelle forme peut prendre cette assistance auprès des familles ?

La première de nos missions est d’informer les Corses sur les démarches à accomplir pour obtenir la prise en charge du titre de transport. Il existe tout un panel de procédures administratives à satisfaire pour lequel nous informons le public mais aussi les professionnels de santé, les médecins qui font la prescription, les pharmaciens, kinés, mutuelles, etc. La deuxième est une mission de solidarité qui nous conduit à collecter des fonds pour aider les familles à faire face aux surcoûts que génèrent ces déplacements, en l’occurrence les billets des accompagnateurs qui ne sont pas remboursés par l’Assurance maladie et l’hébergement pour lequel nous avons fait à ce jour l’acquisition de huit appartements, six à Marseille, un à Nice et un à Paris.

Un enfant malade peut être accompagné par ses deux parents ?

En 2021, nous avons obtenu de haute lutte la prise en charge du second accompagnateur pour un jeune malade de moins de 16 ans, mais le financement de cette mesure n’est pas pérennisée, contrairement à ce qui avait été promis. L’association finance le billet du second parent pour les 16/18 ans comme elle prend en charge le transport des parents seuls lorsque l’enfant, soigné pour une maladie grave, reste plusieurs mois sur le Continent.

Paris, Nice et Marseille ont un espace dédié aux patients corses. Pourquoi le faire dans nos aéroports ?

Le Continent était la priorité car c’est là qu’on attend le plus. Mais en Corse, des circonstances compliquées étaient à prendre en considération : un vol retardé, ce sont parfois des heures d’attente et, dans les périodes où les aérogares sont bondées, il n’y a plus aucun siège de libre pour s’asseoir. Or, les passagers médicaux, fatigués et fragiles, ont besoin d’être à l’abri du bruit et de la cohue pour patienter jusqu’à leur départ. D’où la démarche auprès de la CCI de Corse.

Comment votre requête a-t-elle été reçue et traitée par la CCI de Corse ?

La réponse a été instantanée. Ce n’était pas une simple promesse, le « oui » immédiat du président Jean Dominici a été aussitôt suivi d’effet. Nous avons tout de suite eu des rendez-vous sur place avec les directions des aéroports pour trouver des espaces provisoires dans l’attente des aménagements définitifs. Nous nous sommes sentis comme chez nous. Il suffit de voir avec quel amour les équipes de la chambre ont aménagé et décoré le Spaziu à Ajaccio. Pour l’association, ce partenariat crucial fait chaud au cœur !

L’expérience vous a-t-elle permis de faire des demandes particulières ?

Oui, nous avons élaboré un cahier des charges assez précis. Pour nous, la salle idéale est celle qui est proche de l’embarquement juste après les contrôles de sécurité, les malades souhaitant se libérer rapidement des formalités pour se poser et attendre. C’est celle aussi qui est assez grande pour réserver un espace aux plus jeunes. Une fois la porte refermée, on ne doit plus se sentir dans un aéroport mais dans une bulle de tranquillité où l’on peut lire, se restaurer, coucher ou changer un enfant. En cela, Ajaccio est une réussite.

La CCI a décidé d’aller plus loin en instaurant une priorité aux comptoirs d’enregistrement et au passage à la sécurité. C’est important ?

Oui, c’est une grande innovation. Cette volonté de franchir un nouveau palier pour le bien-être de nos passagers qui n’auront plus à faire la queue, c’est ce qui me réjouit de ce partenariat avec la CCI : on arrive à l’aéroport, on présente le justificatif de son rendez-vous médical et on dispose d’une carte magnétique qui donne la priorité à l’enregistrement et aux contrôles et permet d’accéder à notre espace. Ça va vraiment changer la vie des familles. Notre objectif ultime est d’obtenir la même chose sur le Continent.

Le fait de les confiner, ce n’est pas vécu comme une forme d’isolement supplémentaire ?

Non, ce n’est pas une contrainte mais une option proposée à celles et ceux qui en ont besoin. Il y a, en effet, des personnes qui n’ont pas envie de faire savoir qu’elles sont malades ou, pour des raisons de moral, ne veulent pas se retrouver avec d’autres malades. Tous les choix sont respectables et respectés.

Quelle est la nouvelle croisade que vous menez actuellement ?

L’achat de huit appartements sur le Continent nous donne le sentiment d’avoir franchi l’Everest. Pourtant, ils sont tous complets. Notre défi en 2025, c’est l’acquisition d’un nouvel appartement à Nice où l’on rencontre les plus grandes difficultés à loger les familles.

Il vous faut des fonds. En dehors des institutions, qui vous soutient financièrement ?

Nous avons un budget annuel d’environ 850 000 € dont un petit tiers d’argent public. Tout le reste provient de la générosité des Corses, soit des particuliers soit des entreprises. Ils forment une chaîne de solidarité exceptionnelle. Nous avons l’argent nécessaire pour l’appartement de Nice. L’idéal, pour répondre à la demande, serait de le trouver à proximité de l’hôpital pédiatrique Lenval.

Vous regrettez l’augmentation sensible du tarif résident ?

Chaque euro de plus pour les familles est un euro de trop. Le combat que nous menons aujourd’hui est contre l’augmentation de la taxe sur les billets d’avion imposée par le gouvernement. On a le soutien des parlementaires et de l’Assemblée de Corse et on espère qu’ils nous aideront à obtenir l’exonération pour les familles qui n’ont pas le choix de voyager pour se faire soigner et subissent ainsi une double peine.

Après Ajaccio, est-il salutaire qu’un nouveau centre hospitalier voie le jour à Bastia ?

Renforcer l’offre de soins, faire venir régulièrement des spécialistes pour consulter et développer la télémédecine réduirait drastiquement les déplacements. Or les déplacements les moins éprouvants et les moins coûteux sont ceux qu’on n’a pas à faire.

Article paru dans La Lettre N° 55

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