« Si le processus d’autonomie en cours se concrétise, la Corse bénéficiera d’une plus grande maîtrise de son destin économique »
Jean-Christophe Tortora, directeur général de CMA Média
L’économie ne se change pas par décret, disait Michel Rocard. Bien davantage qu’un trait de plume étatique, en effet, il faut une forte dose de volonté politique, de compétence, de confiance en soi et en l’avenir et, plus encore, de passion immodérée pour la terre où l’on veut semer les graines du développement.
La Corse, qui se prépare à entrer dans une nouvelle ère, celle de l’autonomie, et soucieuse de bâtir un nouveau modèle économique, qui embrasse les enjeux et défis du XXIe siècle, est au confluent de son histoire contemporaine faite d’ombres et de lumière.
Le bon moment, en tout cas, pour accueillir un évènement aussi notable qu’un sommet économique, conjointement organisé par La Tribune et Corse-Matin, en partenariat avec la Collectivité de Corse, et pour lequel la CCI de Corse avait dépêché Pierre Orsini, son vice-président.
Gilles Simeoni : « L’autonomie, c’est une prise de responsabilité »
Directeur général de CMA Média*, filiale de l’armateur CMA CGM, et président de La Tribune, Jean-Christophe Tortora a été à la manœuvre pour préparer ce sommet qui a déjà fait ses preuves dans d’autres régions : « Je suis venu plusieurs fois en Corse à titre professionnel et personnel. J’ai rencontré des élus et des acteurs économiques de l’île. Ces précieux échanges m’ont un peu plus convaincu de la nécessité d’organiser ce rendez-vous afin de construire collectivement un moment de partage dans lequel on se projette sur l’avenir en partant des réalités du tissu économique corse. Il ne s’agit pas d’être hors sol mais d’imaginer, dans un esprit à la fois créatif et pragmatique, une prospective qui intègre les atouts et les faiblesses du territoire. »
À ce propos, la Corse est une pépinière de paradoxes : le caractère parfois archaïque de son mode de vie et de pensée ne le cède en rien à sa force créatrice et à sa soif d’innovation ; elle aspire à un statut d’autonomie qui lui confèrerait un pouvoir législatif mais réfute tout désengagement de l’État pour combler le retard historique de ses infrastructures (routes, barrages hydrauliques, centrales thermiques, hôpitaux, etc.) et assumer pleinement ses pouvoirs régaliens afin de faire refluer la vague déferlante de la criminalité organisée qui démolit l’économie, ce que n’a eu de cesse de demander fermement le président de la CCI de Corse.
Ce sommet aura aussi permis de confirmer à quel point les institutions politiques corses sont intimement liées à l’économie pour laquelle l’insularité est davantage un tremplin qu’un handicap dès lors qu’on la dote d’une fiscalité spécifique et d’un pouvoir d’adaptation des textes. Un credo que Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse, traduit en ces mots : « L’autonomie, ce n’est pas une prise de distance, c’est une prise de responsabilité. »
Pierre Orsini : « Être fort à domicile avant d’espérer gagner à l’extérieur »
Un tissu composé pour l’essentiel de TPE, PME et de 20 000 artisans, c’est une chance. Le dynamisme créatif, la capacité de résilience et une ruralité comme terre de prédilection pour une économie de proximité. « De quoi voir le verre à moitié plein » réconforte Gilles Giovannangeli, président de l’ADEC.
Pierre angulaire de l’économie, le tourisme est prêt à se déployer sur les ailes de saison voire toute l’année : les désirs des vacanciers ne sont plus confinés à la plage, la CCI de Corse crée des dispositifs incitatifs auprès des opérateurs aériens et même le réchauffement climatique rend toutes les saisons attractives.
La table ronde dédiée à l’exportation démontre qu’une production marginale, dite de niche, peut séduire le Continent, l’Europe et au-delà. Quelques figures de proue de l’export présentes, le générateur d’applications digitales GoodBarber, la brasserie Pietra, Corsica Comptoir ou l’Atelier Corse Fruits et Légumes, ont témoigné de la capacité de la Corse à rayonner dans le monde.
Le vice-président de la CCI de Corse, Pierre Orsini, a fait ses preuves dans le domaine de l’exportation. Son intervention a été remarquée pour son bon sens : « Il faut d’abord être très fort sur son propre marché, à domicile, avant de penser à exporter et à gagner à l’extérieur. Si la Corse veut se développer en empruntant cette voie, elle doit choisir ses contraintes et ne pas les subir. Il y a des coûts cachés et des surcoûts inhérents à la logistique, au stockage, à la maintenance. Autant d’obstacles qui valent d’être surmontés si l’on identifie parfaitement ce que l’on doit produire et dans l’optique de la qualité. Car seule la qualité permettra de jouer des coudes sur des marchés concurrentiels et parfois déloyaux. » Selon lui, une ingénierie plus tangible est aussi la clé de la réussite.
*Pôle presse qui regroupe La Tribune, La Provence, Corse-Matin, BFM