« Nous venons voir comment doter la Corse de nouvelles prérogatives qui lui permettront de relever au mieux les enjeux économiques et sociaux du territoire. »
Florent Boudié, président de la Commission des lois à l’Assemblée nationale.
« Notre écosystème est mis sous pression par un cumul de contraintes. Voilà pourquoi l’économie de la Corse a besoin d’un véritable statut fiscal et social »
Jean Dominici, président de la CCI de Corse.
Une certitude est désormais ancrée dans tous les esprits : il existe une connexion, une interdépendance même, entre le futur statut d’autonomie de la Corse qui, sur les chemins chaotiques de la politique nationale, amorce sa dernière ligne droite, la résorption – au moins partielle – de l’inégalité des chances entre les entreprises corses et celles du Continent, et la nécessité de réformer le statut de la CCI de Corse afin de la rapprocher de la Collectivité de Corse à laquelle elle consacre l’essentiel de ses missions. Ne serait-ce que pour sacraliser durablement la gestion des ports et des aéroports.
Cette certitude, il était indispensable de la partager avec la Commission des lois de l’Assemblée nationale missionnée en Corse pour finaliser le texte du projet de loi constitutionnelle qui, selon le calendrier théorique établi, sera présenté en conseil des Ministres au plus tard au mois de juin dans l’espoir de réunir l’ensemble des députés et sénateurs en congrès à Versailles avant la fin de l’année.
La CCI de Corse, clé de voûte économique du processus
La rencontre avec la délégation politiquement éclectique de la mission d’information issue de la Commission des lois a eu lieu à l’hôtel consulaire mercredi dernier. Son président rapporteur, Florent Boudié, a circonscrit sa lettre de mission : « Depuis la dissolution, l’évolution institutionnelle de la Corse a disparu des radars mais nous œuvrons à ce que le Parlement soit saisi sur la base de ce qui a été négocié entre les élus de l’île et Gérald Darmanin. La Commission des lois rendra ses conclusions au plus tard à la mi-avril. Il s’agit pour elle de voir, d’une part, comment renforcer les pouvoirs existants de la Collectivité de Corse et, d’autre part, de doter cette dernière de nouvelles prérogatives qui lui permettront de relever au mieux les enjeux économiques et sociaux du territoire. » Florent Boudié est député de Gironde, c’est donc plutôt bon signe pour l’avenir institutionnel de l’île d’avoir affaire à un… girondin.
Que la délégation de législateurs soit dans de bonnes dispositions a réjoui le président du Conseil exécutif. « Le calendrier est serré mais la qualité d’écoute est grande. Nous avons programmé cet échange à la CCI de Corse parce que la dimension politique est indissociable de la dimension économique et sociale. Si certaines problématiques peuvent être réglées à droit constant, pour d’autres et pour concevoir de nouveaux horizons, le statut d’autonomie constitue la porte naturelle pour notre territoire… » La CCI de Corse est l’institution centrale au cœur de tous les enjeux et projets du tissu économique insulaire. La gestion des ports et aéroports lui confère un rôle atypique sur le plan national.
Le président Jean Dominici l’a rappelé avec force avant d’évoquer deux thèmes intimement liés au processus institutionnel : la fiscalité des entreprises, dont il faut au préalable congédier l’idée fausse selon laquelle la Corse bénéficierait d’une forme de prodigalités d’exonérations fiscales, et les équipements sous-dimensionnés malgré les plans d’investissement de l’État et peu conciliables aux défis de décarbonation et de sobriété énergétique : « Mises aux normes des aéroports, création d’un nouveau port de Commerce à Bastia qui n’a pas évolué depuis Napoléon III, refonte du fond de baie d’Ajaccio : la liste est longue et les volumes financiers importants… »
Du fardeau de l’insularité…
Au fil des interventions des acteurs économiques, il a été beaucoup question du crédit d’impôts investissement, un instrument fondamental de développement dont on a pu mesurer les limites et les imperfections. Il est complexe, parfois contradictoire, et les délais de paiement sont pénalisants pour les entreprises.
Il a été demandé à la Commission des lois de le rendre plus simple et plus accessible, d’étendre son champ d’application, par exemple, à la rénovation des établissements hôteliers et aux transporteurs routiers. Les représentants du BTP, premier employeur de l’île mais victime d’un taux de défaillance sans précédent faute de foncier, de commande publique et d’aides effectives à la rénovation thermique, réclament que soit desserré l’étau des réglementations qui plombent les permis de construire. Pour l’ensemble des acteurs, un retour de la zone franche comme il y a trente ans sous Alain Juppé, serait bienvenu. À bon entendeur…
Justement très attentifs, les membres de la Commission des lois ont pu concrètement jauger le fardeau de l’insularité qui exige des chefs d’entreprise corses ce dont leurs homologues continentaux sont dispensés : du surtemps, du surstockage et du suréquipement. Par surcroit, en raison de la petite taille des entreprises ils ne bénéficient pas de l’ingénierie interne indispensable pour répondre au nouveau mode d’accès aux financements publics : les appels à projets.
« Notre écosystème est mis sous pression par un cumul de contraintes, résume Jean Dominici. A minima, nos entreprises voient leur chiffre d’affaires impacté de 7 % soit 700 M€ de marges brutes perdus chaque année. Voilà pourquoi l’économie de la Corse a besoin d’un véritable statut fiscal et social » a conclu notre président non sans persister sur le caractère vital d’obéir à la loi PACTE qui prévoit la définition d’un modèle consulaire propre à la Corse en lien avec la Collectivité de Corse. Nul n’est censé ignorer la loi. Les émissaires de l’Assemblée nationale le savent très bien et plus que les autres !
Article paru dans La Lettre N° 51