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La Lettre I « Nous sommes écoutés mais pas entendus »

Compétence et passion, c’est ce qui caractérise la personnalité de Corinne Bernardini, la nouvelle présidente de la Fédération du BTP de Corse-du-Sud. La mission est rude, mais elle a le cran et les qualités pour affronter un chantier qui est celui de la survie

« Nous voulons sensibiliser les acteurs politiques et économiques aux problématiques et aux enjeux de notre secteur, premier employeur privé de l’île et qui représente 10% de la valeur ajoutée régionale »

Corinne Bernardini, Présidente de la Fédération du BTP de Corse-du-Sud


ENTRETIEN

– À la lumière de vos échanges, pensez-vous que la ministre Catherine Vautrin peut réellement agir en faveur du BTP en Corse ?
Elle nous a dit vouloir être facilitatrice, consciente de la nécessité d’aller vite car les entreprises ne peuvent pas attendre, mais elle n’a pas de solution toute faite. Il va falloir y travailler.

– On s’achemine déjà vers un retour des prêts à taux zéro pour les primo-accédants, c’est une bonne nouvelle ?
C’est une très bonne nouvelle qui favorisera l’accès à la propriété à un grand nombre de foyers, notamment les jeunes foyers. Elle serait meilleure encore si le prêt à taux zéro était universel, c’est-à-dire partout et pour tous les types de logements. Mais cette mesure ne suffira pas à elle seule. Il faut s’extraire des pesanteurs réglementaires afin de pouvoir libérer du foncier et permettre aux communes de consentir davantage de permis de construire pour loger nos concitoyens sans préjudice pour l’environnement que nous voulons préserver.

– Est-il seulement possible de libérer du foncier avec une législation d’urbanisation indéchiffrable et des figures imposées comme le Padduc et bientôt la loi Zan ?
Nous connaissons bien, pour y être quotidiennement confrontés, le syndrome du millefeuille. Les solutions existent, il suffit de se mettre autour d’une table pour les définir collégialement, avec de la volonté politique, celle conjuguée de l’État et de la Collectivité de Corse, et le sens des responsabilités qui nous nous habite.

– La commande publique est en berne. Quelles perspectives espérer pour 2025 quand on sait la détresse budgétaire de l’État et de la Région ?
Nous n’avons aucune visibilité sur la commande publique, donc aucune perspective. Depuis bientôt deux ans, les deux fédérations du BTP tirent la sonnette d’alarme, elles sont écoutées mais elles ne sont pas entendues. Un territoire comme le nôtre ne peut pas raisonnablement être privé de projets d’équipements collectifs pour se développer, ce n’est pas concevable. Même s’il faut les prioriser faute de moyens suffisants.

– Entre habitat individuel et habitat collectif, la Corse a un marché potentiel de 100 000 logements en attente de rénovation énergétique : c’est une planche de salut pour le BTP ?
Par les temps qui courent, chaque possibilité est regardée comme une planche de salut. Mais même là, le carnet de commande a du mal à se remplir, en grande partie à cause des difficultés des particuliers à accéder aux aides nationales et locales qui existent pourtant réellement. C’est long et complexe. Une petite complication administrative peut bloquer toute une économie. Alors, cette planche de salut, il faudra encore s’époumoner pour s’y accrocher.

– Dans son document « Corse 2030 », le Medef Corse préconise le soutien à la construction de logements sociaux et intermédiaires. Un vœu pieu ?
Toutes les pistes doivent être explorées pour pallier la crise du logement actuelle : la rénovation mais également le neuf, toutes les études le confirment, y compris pour loger les familles le temps des travaux de rénovation. Nous devons travailler particulièrement sur le logement social car notre île connait à la fois le taux de pauvreté le plus élevé et le taux de logements sociaux le plus bas.

– Comment expliquer les ondes d’hostilité qui traversent les réseaux sociaux ?
En Corse, le BTP a mauvaise presse et ce n’est pas justifié. D’abord, ce n’est pas notre secteur qui décide des chantiers relatifs à l’aménagement du territoire. Ensuite, nos entrepreneurs aiment leur île, ils veulent construire de façon exemplaire, dans le respect de l’environnement, ils sont sensibles à l’innovation et aux matériaux qui affichent une basse empreinte carbone.

– Justement, la Corse est pénalisée pour les coûts d’importation de ces matériaux. Ne redoutez-vous pas de nouvelles taxes ?
Nous sommes déjà pénalisés par la loi REP Bâtiment de 2023 qui a instauré une écocontribution censée permettre la gratuité pour l’évacuation de nos déchets. L’objectif est vertueux et indiscutable mais le maillage territorial des points de collecte est insuffisant. Nous subissons la double peine : des matériaux plus chers à cause des transports et de l’écocontribution, et un service pas à la hauteur faute de véritables solutions de reprises.

– Faut-il craindre des fermetures d’entreprises ?
Oui, si cette situation catastrophique perdure, ça va arriver vite. De récentes enquêtes nationales disent que la Corse est de toutes les régions celle qui pâtit le plus de la crise économique. Les mises en chantier et les autorisations de permis sont en chute libre, de l’ordre de 30 %. On a l’habitude de dire que les crises arrivent en Corse après le Continent mais ce n’est pas le cas cette fois-ci et les effets sont aggravés par nos handicaps structurels.

– Contre vents et marées, vous avez tracé une feuille de route. Quelles en sont les grandes lignes ?
Pour les deux années à venir, nos objectifs sont les suivants : sensibiliser les acteurs politiques et économiques aux problématiques et aux enjeux de notre secteur qui a un poids particulièrement important dans l’économie corse puisqu’il est le premier employeur privé de l’île et génère 10% de la valeur ajoutée régionale ; accompagner les entreprises afin qu’elles puissent répondre aux enjeux à venir, améliorer leur compétitivité et leur performance en disposant de toutes les informations stratégiques pour leur gestion ; promouvoir notre rôle de bâtisseurs au service d’un développement harmonieux de notre île ; s’impliquer davantage en faveur de la formation des jeunes et moins jeunes ; développer enfin le réseau de notre Fédération afin de déployer le service offert aux entreprises, quelle que soit leur taille et quelle que soit leur activité.

– Dans ce contexte, quelle articulation entre votre Fédération et la CCI de Corse ?
Mon mandat est récent, mais les premiers contacts sont excellents. Nous sommes amenés à travailler ensemble. Lorsque les problèmes sont de cette ampleur, si chacun se confine dans son pré carré, il n’y a pas d’issue possible.


Article paru dans La Lettre n°48

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