Entretien : Vincent De Rul, directeur régional EDF
– Que peut-on dire de l’impact des missions d’EDF sur l’économie corse ?
EDF en Corse, c’est une forte présence territoriale : 750 salariés et autant de familles, et un tissu industriel d’une trentaine de sites de production pour desservir 250 000 clients dont 10% environ sont une clientèle professionnelle. On investit beaucoup sur le territoire, de 65 à 70 M€ par an, et plus de 90 % de ces investissements se font avec des entreprises locales.
– Comment définiriez-vous votre partenariat avec la CCI de Corse ?
Il est déjà évident concernant les aéroports, les ports et les points de dépotage pour le combustible des centrales de Bastia et d’Ajaccio. Mais au-delà de ces interfaces institutionnelles, nous avons un important maillage économique commun en faisant intervenir des entreprises partenaires des deux institutions.
– Quel écho rencontre le dispositif qui vous lie, « Agir Plus », pour réduire la facture d’énergie des entreprises et des commerçants ?
Il concerne au premier chef les entreprises locales soucieuses de réaliser des projets d’efficacité énergétique financés en partie par EDF et par l’État dans le cadre d’une quote-part définie par la CRE, la Commission de Régulation de l’Energie. L’aide peut varier de quelques milliers d’euros à plusieurs centaines de milliers d’euros pour les entreprises qui rénovent leurs bâtiments. À titre d’exemple, en 2024, une entreprise de jus de fruits, clémentines et oranges corses, sur la Plaine orientale a bénéficié d’une aide estampillée « Agir Plus » de l’ordre de 800 000 € pour avoir mis en œuvre une solution qui consommait beaucoup moins d’électricité pour une production équivalente.
– Vous semblez soucieux de la santé et de la sécurité des salariés de toutes les entreprises : comment vous y prenez-vous pour prévenir les risques ?
Tous les métiers du groupe EDF inhérents à l’énergie sont représentés en Corse à l’exception du nucléaire. L’exploitation des réseaux électriques sur des installations qui sont potentiellement sous tension présente des risques et exige en amont une préparation et des mesures pour permettre un travail dans des conditions optimales de sécurité. Ceux qui interviennent sous tension ont des habilitations particulières. La prévention santé-sécurité est prioritaire, on en parle systématiquement à nos équipes et à nos partenaires externes. Nous exigeons de toutes les entreprises locales que nous sollicitons – elles se comptent en centaines – des mesures de protection de leurs salariés.
– D’ici 2030, EDF va investir plus d’un milliard Quels sont les grands projets ?
La Centrale du Ricanto pour laquelle le démarrage du chantier est imminent ; le projet SACOI 3, l’interconnexion avec la Sardaigne, dont nous allons doubler la capacité – de 50 à 100 MW – un projet qui, en lui-même, vaut plus d’un milliard d’euros mais dont une grande partie est supportée par Terna, notre partenaire italien propriétaire de la ligne ; la STEP* de Lugo-di-Nazza-Ghisoni, qui constitue une étape décisive vers la neutralité carbone du territoire, un dispositif qui permet de réutiliser la ressource hydraulique locale pour produire et stocker une électricité propre qui sera restituée aux moments de forte demande. Autant de projets qui contribuent à renforcer la sécurité et la stabilité de l’approvisionnement électrique de la Corse tout en facilitant l’intégration progressive des énergies renouvelables dans son mix énergétique.
– Pour un territoire qui importe 86 % de sa consommation d’énergie, l’objectif d’autonomie énergétique à l’horizon 2050, c’est raisonnable ?
Au-delà de cette ambition d’autonomie énergétique, le premier enjeu est vraiment la décarbonation de l’économie, c’est-à-dire produire de l’énergie qui génère le moins de CO2 possible, car cela permet d’agir sur le changement climatique, à long terme. Pour cela, nous visons l’objectif de 100 % d’ENR** dans le mix de production d’électricité de la Corse à l’horizon 2050, qui se fera au travers des trois ou quatre prochaines PPE***. Aujourd’hui, le mix énergétique, c’est environ 40 % de la production par les ressources renouvelables, hydraulique et photovoltaïque. Il faut progressivement en augmenter la part pour tendre vers l’objectif visé. On y arrivera à court et à moyen terme avec les Centrales de Lucciana et du Ricanto qui fonctionneront au biocombustible. Une électricité à 80% d’origine renouvelable, donc décarbonées, à l’horizon 2030.
– Le dérèglement climatique exacerbe les épisodes de tempêtes. Les équipes d’intervention sur les pylônes s’adaptent-elles pour réduire au maximum les coupures préjudiciables aux foyers et à l’économie locale ?
La raison pour laquelle on fait tant de choses pour décarboner l’énergie, c’est pour atténuer les effets du réchauffement climatique qui crée ces épisodes de plus en plus fréquents et de plus en plus violents. On essaie de combattre la source tout en agissant sur les symptômes. Nous sommes mobilisés, formés, entraînés pour y faire face avec une réactivité forte. Si on prend la tempête d’août 2022, 90 % des foyers étaient réalimentés en 24 heures. Ceci étant, la violence des évènements nous dépasse, comme à Mayotte, et implique des organisations dédiées.
– Vous êtes dans la boîte depuis près de 30 ans. C’est une révolution qui s’annonce pour le réseau et la population ?
Oui, forcément. L’enjeu, difficile mais pas impossible, est de décarboner toujours plus sans pénaliser la qualité de vie des clients habitués à ce que tout fonctionne, électricité, wifi, 5G. L’époque de la bougie est révolue et quand ça ne marche plus, les gens sont exaspérés et ils ont raison de l’être. Mais ils doivent comprendre que l’électricité, c’est un peu plus qu’un interrupteur sur le mur, ce sont de gros équipements et des centaines de femmes et d’hommes motivés qu’il faut maintenir à un haut niveau de compétences élevées en s’adaptant aux changements qui nous entourent. En Corse comme ailleurs, EDF porte un service public performant, innovant et durable.
* Station de Transfert d’Énergie par Pompage
** ENergies Renouvelables
*** Programmations Pluriannuelles de l’Énergie
Article paru dans La Lettre N° 51