« C’est dans les situations difficiles que les choses peuvent bouger »
Marc Ferracci, Ministre de l’Industrie et de l’Énergie
– Quels enseignements avez-vous tirés des échanges informels tenus au siège de la CCI de Corse ?
Beaucoup de remontées de terrain positives qui donnent de l’espoir sur la capacité de la Corse à créer de la richesse et de la haute valeur ajoutée. J’ai échangé avec des entrepreneurs qui ont des idées, des entrepreneurs aussi confrontés à des problèmes, problèmes de financement, problèmes de simplification, problèmes de coûts, de travail ou de l’énergie. Les problèmes, nous savons les identifier, il faut les traiter au niveau national mais aussi au niveau local comme la structuration des filières. Énormément d’idées ressortent de ce genre d’échanges, des échanges très riches, et je prends beaucoup de plaisir à faire ce genre d’exercice car il me conforte dans la certitude que la Corse a des atouts. Avec ses talents et son cadre de vie, elle a une carte formidable à jouer.
– L’indépendance énergétique de la Corse est votre priorité. Les retombées seront essentielles pour son économie ?
Bien évidemment. L’indépendance énergétique, ce sont des filières industrielles qui irriguent l’économie et des entreprises qui créent des emplois, que ce soit dans l’hydraulique, le photovoltaïque ou la géothermie. Produire de l’énergie bas carbone au lieu de l’importer, en particulier à travers les énergies renouvelables, ça doit se faire en ayant toujours le souci de voir émerger des filières industrielles. C’est ma logique : souveraineté énergétique et souveraineté industrielle sont les deux faces d’une même pièce.
– Pourquoi avoir choisi la CCI de Corse au cœur de votre visite ?
La CCI de Corse est un acteur incontournable du développement et par ailleurs, j’éprouve beaucoup de sympathie à l’égard de son président.
– Le président Dominici l’a dit : les incertitudes minent la vie politique, les moyens budgétaires, la situation internationale. Où puiser les ressources pour mener à bien votre mission ?
Dans la houle des incertitudes, je suis solidement ancré dans mes convictions. Avec passion et pragmatisme, je travaille, avec d’autres collègues au gouvernement, à un projet de loi sur la simplification le plus ambitieux possible. Je mets aussi le coût de l’énergie au cœur de mon mandat afin de fournir aux entreprises de l’électricité à des tarifs compétitifs ; enfin, parce ce que le coût du travail reste un problème dans notre pays, je vais faire des propositions pour changer profondément le financement de notre protection sociale. C’est dans les situations difficiles que les choses peuvent bouger.
– La Corse inscrite dans la Constitution pour, à la fois, marquer sa singularité et son ancrage au sein de la République, ça bouge aussi ?
Je suis depuis longtemps favorable à la démarche. Dès 2017, lorsque le Président Emmanuel Macron faisait campagne, le principe de l’affirmation de la singularité de la Corse était déjà dans sa tête et dans ses discours. Une affirmation qui portait elle-même en germes une forme d’autonomie dans la République. Nous sommes aujourd’hui sur l’aboutissement d’un processus qui, en réalité, remonte donc à plusieurs années, qui a pris du temps pour de bonnes et de moins bonnes raisons, mais je suis très heureux de l’accord intervenu entre une large majorité des élus insulaires et le gouvernement. Le meilleur moyen d’arrimer la Corse à la République, c’est effectivement de lui donner une place particulière dans notre texte fondamental.
– En réalité, la Constitution, c’est le Sésame pour un statut d’autonomie avec pouvoir d’adapter les lois mais aussi d’en créer dans le strict cadre de ses compétences, ça vous convient toujours ?
Oui, dès lors que, dans les prochaines semaines et les prochains mois, nous allons assister à des discussions approfondies sur le périmètre de ce pouvoir de produire des normes de nature législative. Il s’agira de délimiter un périmètre qui soit cohérent avec les spécificités de la Corse, de trouver une voie de passage en définissant, de la manière la plus précise qui soit, les domaines dans lesquels pourra s’exercer ce pouvoir normatif sous le contrôle étroit du Conseil d’État sur les aspects réglementaires et du Conseil constitutionnel pour ce qui a trait au domaine législatif, comme cela a été clairement annoncé. Je pense que nous sommes dans la bonne direction. Toutes les îles ou presque de la Méditerranée ont un statut d’autonomie avec la capacité à produire des normes. La Corse est légitime à emprunter cette voie qui donne de réelles perspectives de développement avec les contours juridiques que j’évoquais plus haut.
– Parmi ces difficultés, les handicaps structurels qui génèrent une disparité forte avec les entreprises du Continent. L’économiste que vous êtes est-il aussi favorable à une fiscalité particulière ?
Institutions et économie sont indissociables. La fiscalité pose d’abord la question de l’attractivité et, effectivement, compte tenu de ce que représentent les coûts liés à l’insularité, des mesures fiscales susceptibles de combler les écarts me paraissent opportunes, aussi bien pour soutenir les entreprises corses que pour encourager les investissements extérieurs qui vont apporter une plus-value au territoire. Une activité optimisée est une activité qui produit des ressources fiscales.
– Vous appartenez au cercle fermé des amis d’Emmanuel Macron depuis 25 ans. Son mode de gouvernance est très centralisé. Croit-il sincèrement à cette réforme constitutionnelle et à la dévolution d’une autonomie ?
Je pense qu’il en est parfaitement convaincu. Je faisais tout à l’heure référence à sa campagne de 2017. Le pacte girondin est quelque chose qui lui tient toujours autant à cœur, qui n’a jamais quitté son esprit. Aujourd’hui, la boucle est en train de se boucler, et je serais particulièrement heureux si la Corse devenait un terrain d’application privilégié de ce pacte.
Article paru dans La Lettre n°53