La Lettre I « On se positionne comme acteur majeur du projet d’École de tourisme »

Douze sites disséminés sur le territoire, une centaine de collaborateurs, le soutien inconditionnel de la Collectivité de Corse pour former 2 500 stagiaires par an avec un taux d’insertion remarquable de 74 % : l’Association pour la Formation Professionnelle des Adultes (Afpa Corsica) est appelée à devenir un partenaire de premier plan dans le projet de la future École de tourisme d’Ajaccio. Son jeune directeur, Jean-Ange Leca, en parle avec enthousiasme…
Portrait de Monsieur Leca dfe l'AFPA Corse

L’Afpa Corsica propose en théorie des parcours qui vont du niveau CAP au niveau Bac + 3 : où se situe le curseur de gravitation en Corse ?
Nos diplômes dépendent du ministère du Travail, on parle ici de niveaux 3, 4, 5. L’essentiel de notre public tourne autour du niveau 4 qui correspond au palier du Bac et tend vers le niveau 5, soit Bac + 2.

La réponse à l’offre de formation est-elle à la hauteur de vos attentes et des autres régions ?
Nous sommes géographiquement présents sur l’ensemble du territoire et sur toutes les filières phares, BTP, hôtellerie, numérique, environnement, accompagnement/insertion. Oui, nous estimons répondre aux besoins grâce notamment aux liens étroits et permanents que nous entretenons avec les entreprises et grâce à la Collectivité de Corse qui nous confie son Plan régional de formation. Par rapport aux autres régions, la Corse est mieux placée en termes d’offre de formation en raison de son statut spécifique. Mais parce que ça ne suffit pas, nous privilégions les partenariats comme c’est le cas avec la CCI de Corse. L’objectif est de travailler main dans la main car notre offre, aussi large soit-elle, ne satisfait pas tous les besoins de recrutement dans les nombreux secteurs où les métiers sont en tension.

En quoi consiste ce statut spécifique auquel vous faites référence ?
Depuis la loi de janvier 2002 consécutive aux accords de Matignon, l’Afpa est l’outil de la Collectivité de Corse pour former les demandeurs d’emploi. À ce titre, elle a une subvention pour l’accompagner sur ses programmes de formations ouvertes sur tous ses sites. Le dernier plan quinquennal de formation, qui colle au plus près des besoins du territoire, a été validé par l’Assemblée de Corse lors de la dernière session. Ce statut confère une vraie souplesse d’action.

Quelles sont les formations pour lesquelles vous regrettez un désintérêt ?
Effectivement, nous sommes confrontés à la multitude des métiers en tension pour lesquels les difficultés de recruter sont devenues récurrentes comme le BTP et le tourisme. Ce sont des métiers qui n’attirent plus. La situation réclame une remise en cause collective, conditions salariales, saisonnalité, pénibilité, etc. Il faut changer le regard des jeunes sur ces filières essentielles à l’économie de la Corse et je suis convaincu que la formation est un des moyens les plus efficaces pour y parvenir. De leur côté, les entreprises ont leur propre réflexion à engager pour être plus attractives.

L’Afpa est-elle à la hauteur des enjeux du numérique, de la transition écologique, de l’innovation ?
L’Afpa est une vieille maison créée après la guerre à destination des soldats en quête de formations professionnelles. Elle a pu renvoyer l’image d’un organisme un peu désuet mais ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Il suffit de visiter nos locaux, rénovés à 70 %, pour mesurer notre capacité d’adaptation pour accueillir des formations d’avenir, métiers verts, IA, Cowork, fab lab, salles numériques ultramodernes. La Corse est entrée de plain-pied dans cette ère nouvelle et nous apportons notre pierre à l’édifice.

Ce n’est un secret pour personne, la Collectivité de Corse, votre financeur, est confrontée à de fortes contraintes budgétaires. La situation a un impact sur vos activités et votre développement ?
La Collectivité de Corse a fait le choix politique fort et ambitieux de maintenir le budget formation pour les cinq prochaines années. Un budget annuel de 8M€ qui permet de former entre 800 et 1 000 demandeurs d’emploi par an.

La mode est aux appels à projets, nationaux et régionaux. Or, les entreprises corses se heurtent à un manque d’ingénierie. La CCI de Corse agit dans ce sens mais pas vous. Pourquoi ?
La remarque est fondée. Jusqu’à présent, cette mission n’était pas inscrite au cœur de nos programmes de formation mais nous allons nous y atteler. La réflexion a d’ores et déjà été engagée. Ce qui a toujours fait la force de l’Afpa, c’est justement la promptitude avec laquelle elle s’adapte, grâce à son équipe de cinq ingénieurs qui créent des formations sur mesure au gré des besoins.

Que pensez-vous de la création d’Amparà Méditerranée, marque de formation conjointe de la CCI et de la CMA ?
Le mal de la Corse, c’est sa réticence quasi endémique à créer des partenariats, à fédérer les moyens et les perspectives. Que ces deux chambres, avec lesquelles nous collaborons étroitement, aient réuni leurs ressources et leurs compétences pour améliorer l’offre de formation et la rendre complémentaire de la nôtre est une excellente chose et montre que nous sommes sur la bonne voie.

Vous êtes vous-même diplômé de la Kedge Business School de la CCI Formation de Borgo. Un passage décisif pour vous ?
J’avais un profil juridique. Le master de management obtenu à Borgo m’a permis de valider ma candidature auprès de l’Afpa il y a maintenant cinq ans. Alors oui, cette étape a été décisive dans ma vie professionnelle.

Que pensez-vous de l’ouverture d’une École de l’hôtellerie, de l’Hospitalité et de l’Évènementiel à Ajaccio à la rentrée 2025 ?
Il est indispensable de développer, sur notre territoire, des outils qui répondent aux attentes fortes des entreprises et favorisent la montée en compétence. Cette école sera attractive par sa situation géographique en centre-ville et par ses ambitions pédagogiques clairement affichées. Bien sûr, elle ne règlera pas tous les problèmes de recrutement du secteur mais déjà, si elle suscite l’intérêt de dizaines de jeunes Corses par an, attirés par des niveaux d’emploi supérieurs et mieux rémunérés, le pari aura été gagné.

Quelle sera la contribution de l’Afpa Corsica ?
Nous sommes très complémentaires : l’Afpa est sur des niveaux 3, 4 et 5, du CAP à Bac + 2, et la CCI de Corse sur des niveaux Bachelor, Bac + 3, Master, Bac + 5. Notre offre pour le tourisme est d’environ 500 places par an avec un site majeur sur Ajaccio doté d’un restaurant pédagogique. L’idée est de mutualiser le recrutement des stagiaires, de déployer des cursus qui favorisent leur progression en compétences, d’échanger les formateurs, d’étoffer et enrichir l’ingénierie de formation. La convention avec la CCI va sacraliser ces objectifs. L’Afpa, qui promeut les produits corses au Salon de l’Agriculture et proposera à la rentrée une émission télé sur les métiers de la restauration, se positionne ainsi comme un des acteurs majeurs du projet de la chambre et de ses partenaires.


Article publié dans La Lettre n°45

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