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La Lettre I Une centrale pour « packager » l’offre de séjours en Corse

L’ensemble des opérateurs ont favorablement accueilli cette idée. La CCI et la Collectivité de Corse l’encouragent et y apporteront leur contribution. Et ce, au bénéfice d’un tourisme « durable » aux sens écologique et calendaire du terme. La concertation organisée à l’initiative de l’UMIH Corsica a été très constructive

Compagnies maritimes le matin, opérateurs aériens l’après-midi : la grande journée de concertation organisée à l’initiative de l’UMIH Corsica présidée par Karina Goffi, qui pilote aussi la commission Tourisme de la CCI de Corse, a porté ses fruits, sûrement au-delà des espérances après la première réunion de mai qui avait laissé l’ensemble des socioprofessionnels sur leur faim. Cette fois, après sept heures d’échanges à l’hôtel consulaire de Bastia, un terrain d’entente a été trouvé et des solutions communes envisagées.

Avait-on vraiment le choix ? « L’entente est la seule issue possible car les intérêts sont liés et convergents » répond Jean Dominici en ouverture des débats. Notre président met l’accent sur le caractère urgent de l’enjeu tant l’économie du tourisme pèse lourd sur le PIB de la Corse et dans la construction d’un nouveau modèle économique. La Collectivité de Corse a tenu à être là, au plus près des acteurs et des échanges. Accompagné de Flora Mattei, présidente de l’Office des Transports de la Corse, et d’Angèle Bastiani, présidente de l’Agence du Tourisme de la Corse, Gilles Simeoni, soulagé d’avoir remporté la bataille collective pour conserver la maîtrise publique des ports et des aéroports est formel : « La Corse a besoin d’une desserte compétitive hors service public et de faire évoluer l’offre touristique en densifiant les flux, été comme hiver… »

En réalité, il est essentiel que les armateurs et les opérateurs aériens, d’un côté, les filières qui vivent du tourisme de l’autre, s’unissent pour pouvoir mieux se déployer sur deux fronts, comme l’a explicité le président de la CCI de Corse : rompre avec l’image de la Corse comme destination chère – la moindre anomalie trouve une résonance cynique virale dans les réseaux sociaux – et combattre avec plus d’efficacité, à défaut d’éradiquer, le paracommercialisme qui plombe les hôteliers et tout un panel de services.

Haro sur le paracommercialisme !

Le trafic maritime se porte bien. À quelques encâblures de la fin de la saison, la progression est de l’ordre de 3 %. Les armateurs présents qui desservent la Corse (Corsica Linea, Corsica Ferries, Moby Lines et La Méridionale) ont effectué un rapide tour d’horizon d’où il ressort que : l’offre commerciale a rencontré un écho favorable auprès de la clientèle, la tarification est essentielle pour l’attractivité, la saturation du port de commerce de Bastia doit accélérer le projet Portu Novu – message à peine subliminal à destination du président du Conseil exécutif de Corse –, le besoin de se projeter dès à présent sur la saison 2025 en se concentrant sur les ailes de saison s’affirme. Mais les compagnies ne naviguent pas sur une mer d’huile. Elles évoluent dans un marché concurrentiel qui s’est encore durci avec des destinations rivales et aussi inattendues que celles de l’Algérie ou de l’Albanie, des conflits aux portes de l’Europe et au Proche-Orient susceptibles de faire dégénérer le prix du carburant, déjà pénalisant depuis quelques années, et une déconfiture budgétaire du pays qui fait craindre un nouveau matraquage fiscal sur les transports.

En face, le ressenti des professionnels, réceptifs aux propos des transporteurs, est connu : le taux de fréquentation des établissements marchands est loin de correspondre au nombre de passagers acheminés dans l’île. Le paracommercialisme en est la cause. L’essor débridé des plateformes de type Airbnb et la prolifération des locations meublées estivales (résidences secondaires parfois construites avec le crédit d’impôts et les meublés touristiques peu et pas déclarés) forment une coalition frontale et déloyale devant laquelle les professionnels en général et les hôteliers en particulier ont un sentiment d’exaspération.

On ne restera pas passif. La CCI de Corse va à nouveau sensibiliser les services de l’État sur la nécessité de renforcer les contrôles afin d’atténuer les effets nocifs de cette économie parallèle et parfois occulte ; la Collectivité de Corse, à défaut de capacité législative, mise sur la « loi anti-airbnb » adoptée au printemps au Sénat mais pas à l’Assemblée nationale, en raison de sa dissolution. Le Parlement pourrait la voter rapidement dans le cadre de la loi de Finances avec l’espoir de la rendre plus coercitive ; enfin, quelques communes courageuses, confrontées aux difficultés de la population locale à se loger, ont pris des mesures pour réguler, par des taxes et des obligations de déclaration en mairie, le marché des meublés touristiques.

Angèle Bastiani propose d’inviter prochainement les maires et les présidents de communautés de communes pour les convaincre de leur emboiter le pas. Toutes les armes légales possibles doivent être mobilisées, affûtées et utilisées.

Une plateforme de « packaging » dans les tuyaux

En même temps, il s’agit de renforcer l’attractivité de la Corse, surtout en avant-saison, talon d’Achille de la fréquentation , alors que la période se prête à l’évolution du comportement du vacancier qui, de plus en plus adepte du séjour court, aspire à trouver, au-delà des plages et du soleil, une offre culturelle et patrimoniale intrinsèque à notre identité, une offre qui ait un fort accent corse, dans les découvertes, sur les chemins de randonnée, dans les produits artisanaux comme dans les assiettes. Par surcroit, si les prix attisent encore plus les envies de Corse et que les visiteurs optent pour des hôtels, des gîtes ou des campings, l’activité touristique rebondira sur des bases saines. Pour y parvenir, il faut que la création d’une centrale de réservation exclusivement dédiée à la « Destination Corse » franchisse vite la frontière qui sépare l’intention de la réalisation.

La réunion du 21 octobre donne plutôt confiance à ce sujet. Le combat de longue haleine engagé par l’UMIH Corsica ne sera pas vain. La plateforme mise en œuvre par la Sardaigne pourrait servir de modèle. L’objectif est de proposer via les supports numériques un « package » : titres de transports, hébergements marchands – forcément marchands – mais aussi activités culturelles et de plein-air à des tarifs préférentiels, le curseur promotionnel montant en attractivité selon la période de l’année choisie. Ce qui fera du bien à tout le monde, aux commerces, aux artisans, aux agriculteurs, aux pêcheurs, aux guides-interprètes, aux transporteurs routiers, etc., car le tourisme ruisselle sur toute l’économie.

Les compagnies maritimes y sont favorables, elles sont déjà rompues à ce genre d’offres commerciales conçues avec des hôteliers-partenaires. Ce qui est nouveau, c’est l’adhésion des compagnies aériennes. Air France et Transavia s’engagent à étudier sérieusement la question. Volotea adhère pleinement ainsi que Easyjet dont la filiale « Easyjet Holidays » a intégré les hôteliers corses à ses formules de séjours all inclusive avec plus ou moins de succès, il est vrai. Pour sa part, Air Corsica annonce haut et fort vouloir s’engager. Son expérimentation, validée par l’ATC et amorcée avec les offices de tourisme puis avec les agences de voyage, qui consiste à réduire jusqu’à moins 30 % le billet d’avion pour le voyageur qui réserve un établissement marchand, donne des résultats encourageants. Ainsi, un nouveau canal de vente spécifiquement nustrale pourrait voir bientôt le jour. Et le tourisme corse la lumière.


L’Assemblée de Corse vote « l’achat de flux »

Lors de sa dernière séance publique, l’Assemblée de Corse a approuvé le dispositif unique dit d’achat de flux qui vise à conforter la desserte aérienne de l’île et à promouvoir une gestion responsable et durable de son tourisme.
Le principe est simple : la Collectivité de Corse organise la mise à concurrence des opérateurs du transport aérien pour obtenir des flux de passagers sur dix lignes, six lignes internationales (Bruxelles, Rome, Milan, Francfort, Genève et Londres) et quatre lignes nationales (Bordeaux, Nantes, Strasbourg et Toulouse). En réalité, par le biais des hubs, cela représente 35 connexions. Les avantages sont
légion : marchés sources diversifiés, vols existants renforcés et nouvelles liaisons créées, réduction sensible de la pression sur les sites et les ressources naturelles, rentabilité accrue des aéroports, soutien à l’économie locale. « Ce mécanisme vertueux, argumente Gilles Simeoni, produit du trafic en période creuse et ne finance pas la fréquentation en haute saison. »
Les compagnies aériennes qui remportent le marché s’engagent à transporter chaque mois, sur une période de quatre ans, un nombre minimal de passagers moyennant le paiement par la Collectivité de Corse d’un prix unitaire pour chaque passager acheminé dans l’île. Cette dernière bénéficiant du produit annuel de la taxe sur les transports aériens estimé à plus de 6 M€. La mise en œuvre opérationnelle de l’achat de flux est prévue pour le printemps 2025


Karina Goffi : « Tout le monde y gagne ! »

Êtes-vous satisfaite de ces échanges avec les transporteurs ?
Oui. Les compagnies étaient présentes et chacun a pu s’exprimer sur des sujets aussi sensibles que celui de la tarification. Si nous parvenons à monter cette plateforme exclusivement dédiée à la Destination Corse avec un système vertueux d’offres attractives groupées, ce sera très positif. Le voyageur pourra réserver son billet d’avion ou de bateau, sa voiture de location, son hôtel, son gîte ou son camping, sa sortie guidée en haute montagne ou sa partie de pêche, etc. Toutes les activités ludiques marquées par une forte empreinte identitaire.

– Mais c’est sur l’avant-saison qu’il faut se concentrer…
C’est sur cette période que tous les partenaires devront consentir le plus gros effort en matière de prix. Le dispositif d’achat de flux et la stratégie de notre compagnie régionale à laquelle l’UMIH souhaite s’adosser vont nous aider.

– Vous espérez impliquer un maximum de professionnels ?
Les professionnels dotés d’un outil numérique pourront s’amarrer à cette plateforme qui sera opérationnelle toute l’année. Les quelques 400 hébergements marchands de l’île sont invités à s’engager. Les commissions versées à Booking peuvent être réorientées vers la centrale corse. Tout le monde a à y gagner, les transporteurs, les acteurs économiques, la clientèle.

– Qu’elle soit opérationnelle dès 2025, c’est jouable ?
Le modèle existe en Sardaigne, on doit s’en inspirer pour gagner du temps et de l’argent. Ensuite, si tout le monde se mobilise et que la volonté politique exprimée ici se confirme, alors oui, c’est possible.


Article paru dans La Lettre n°48

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