« Nous avons confiance dans votre engagement, pragmatique et expérimenté, pour que chacun des points partagés puisse, dans les semaines et les mois à venir, connaître les progrès et les évolutions espérés. »
Jean Dominici au ministre et hôte François Rebsamen
François Rebsamen se dépeint volontiers comme un régionaliste pur jus. La décentralisation est son terrain de jeu politique préféré. Il était au gouvernement de François Mitterrand lorsque celui-ci a déployé son vaste programme de décentralisation et passé l’éponge sur les tenants de la violence clandestine pour repartir sur de nouvelles bases en Corse.
Il était encore aux côtés de Pierre Joxe pendant la période de gestation de la loi du 13 mai 1991, promulguée en mars 1992, portant statut particulier de la Collectivité territoriale de Corse. Le ministre de l’Intérieur de l’époque défendait des arguments qui n’ont pas pris une seule ride : « L’objectif politique est de parvenir à établir un statut adapté aux spécificités de la Corse, dans le cadre de la Constitution. Lorsqu’on la lit bien, cette dernière ouvre en effet la possibilité, notamment avec l’article 72, de concevoir un régime spécifique en dehors du droit commun… »
Forcément, lorsque François Rebsamen assure qu’il veut mener jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à Versailles, le processus institutionnel de la Corse, on peut le croire sur parole…
Remettre en chantier le Crédit d’impôt investissement
C’est fort d’une connaissance érudite du dossier corse et dans d’excellentes dispositions d’esprit que le nouveau ministre de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation a franchi le seuil de l’hôtel consulaire de Bastia pour une séquence de travail de plus de deux heures à l’invitation conjointe de Jean Dominici, président de la CCI de Corse, et Jean-Charles Martinelli, président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat. Deux maisons qui, contrairement au commun des régions, ne sont pas aux antipodes l’une de l’autre, séparées par un monde d’indifférence, mais mitoyennes et indissociables dans leurs actions.
Attentif à tout ce qui se disait autour de la table, François Rebsamen s’est vu brosser un tableau synoptique complet des problématiques.
Lui ont été énumérés les principaux obstacles structurels qui figent depuis trop longtemps les inégalités entre les entreprises de Corse et celles du Continent et dont seule une fiscalité adaptée serait susceptible de réduire les effets. La carte maitresse de cette fiscalité, c’est le Crédit d’impôt investissement de la Corse qui, vingt-deux ans après son instauration, a perdu sa force et sa finalité originelles : soutenir les efforts de développement et de modernisation de celles et ceux qui maillent le tissu économique de notre territoire.
Le ministre a compris la nécessité qui lui a été suggérée, en présence du Préfet de Corse, du Préfet de la Haute-Corse, du président du Conseil exécutif de Corse et des députés Castellani et Ceccoli, de remettre le dispositif en chantier aux niveaux national et européen pour le rendre plus efficace dans son application locale, mais aussi d’étirer son périmètre à la rénovation hôtelière et aux transports routiers. Pour ce faire, il se rapprochera sans doute de Bercy.
Pour sa part, le président de la CMA a fait part des graves difficultés financières de son institution, cruellement ressenties dans une région qui recense 20 000 artisans, proportionnellement sans équivalent en France : « L’ensemble des ressources liées aux services régaliens qui étaient les nôtres, inscriptions au registre des métiers, Stage de Préparation à l’Installation, centres de formalité, ont été supprimées. Nous avons perdu un million d’euros par an. J’ai trouvé le ministre très réceptif, mais l’instabilité politique empêche une visibilité, ne serait-ce qu’à moyen terme… » redoute Jean-Charles Martinelli.
Jean Dominici : « Nous avons confiance dans votre engagement »
Mais le dossier qui se trouvait au sommet de la pile et, par là-même, parfaitement visible pour le ministre, c’est la réforme statutaire prévue depuis 2019 par la loi PACTE pour le rapprochement des chambres consulaires vers la Collectivité de Corse et à défaut de laquelle il faudra impérativement s’orienter vers la solution de repli des SMO, les Syndicats Mixtes Ouverts, permettant de garantir la gestion publique par la CCI de Corse des ports et des aéroports de l’île.
Une alternative à laquelle se range François Rebsamen, comme il le confirme plus loin dans l’interview qu’il nous a accordée. Dans un courrier adressé au préfet de Région, Jérôme Filippini, Jean Dominici lui propose l’organisation « dans les meilleurs délais » d’une réunion tripartite, avec la Collectivité de Corse et la CCI, afin d’explorer et de finaliser les nouvelles propositions de rédaction relatives aux statuts des SMO et ainsi parvenir à sécuriser solidement cette procédure transitoire, dans l’attente de l’examen de la loi de réforme statutaire, dès lors qu’une fenêtre parlementaire se présentera.
Au lendemain même d’une rencontre qualifiée de constructive par l’ensemble des participants, le président de la CCI de Corse a écrit au ministre pour lui renouveler ses remerciements : « Nous avons perçu dans vos propos une volonté très positive de renforcer le régime institutionnel décentralisé dans un contexte national budgétaire et politique contraint et soumis à des vulnérabilités inédites par leur importance et leur cumul. Nous avons confiance dans votre engagement, pragmatique et expérimenté, pour que chacun des points partagés puisse, dans les semaines et les mois à venir, connaître les progrès et les évolutions espérés. » Un espoir accompagné de l’assurance que la CCI de Corse, avec l’ensemble de ses élus et de ses équipes, est à sa disposition pour lui apporter la meilleure contribution possible.
Article paru dans la Lettre n°52